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Se former à la psychanalyse à Madrid
Après avoir reçu plusieurs demandes d’informations à ce sujet, voici une réponse.
La formation psychanalytique à Madrid, ainsi que dans le reste du monde, se réalise au sein d’un institut de psychanalyse, appartenant à une société psychanalytique.
Il existe en Espagne de nombreuses associations et sociétés psychanalytiques, mais seulement deux d’entre elles sont des sociétés composantes de l’Association Psychanalytique Internationale (API) : la Sociedad Española de Psicoanálisis (SPP) à Barcelone, et l’Asociación Psicoanalítica de Madrid (APM) à Madrid.
L’API, fondée par Freud en 1910 (voir l’histoire de l’API), fédère plus de 110 sociétés composantes dans le monde, chacune dotée d’un institut de formation. En France, celles-ci sont la Société Psychanalytique de Paris, l’Association Psychanalytique de France et la Société Psychanalytique de Recherche et Formation. L’API assure que ses sociétés et la formation psychanalytique de leurs instituts satisfont aux plus hauts critères éthiques, scientifiques et professionnels, et veille à leur fonctionnement optimal.
Si de légères différences de formation peuvent être constatées entre les instituts, partout dans le monde la formation psychanalytique de l’API repose sur trois piliers : l’analyse personnelle, les supervisions cliniques et les séminaires théoriques. Leur mise en œuvre concrète dépend des références culturelles et conceptuelles des pays. Afin de ne pas trop nous étendre, nous nous limiterons ici à décrire comment cela se produit à Madrid.
Compréhension et traitement psychologique des comportements autodestructifs
Les comportements autodestructifs sont, au premier abord, les plus énigmatiques et contre-intuitifs des troubles psychiques. Comment est-il possible que quelqu’un veuille se nuire ?
Cela va directement à l’encontre de l’évidence apparemment limpide selon laquelle la recherche du plaisir et du bonheur est universelle. Il y a quelque chose de choquant dans le souhait de se faire du mal, de ne pas se protéger, de chercher la souffrance. Les personnes qui découvrent cette facette d’elles-mêmes en sont souvent profondément troublées.
Et pourtant, en prenant un peu de recul, nous constatons que les comportements autodestructifs sont loin d’être rares.
Certes, ils se présentent parfois sous des formes nettes et facilement repérables, où le désir de se détruire est manifeste et conscient (ou presque) : l’automutilation, certaines toxicomanies ou l’exposition volontaire à la violence des autres en sont quelques exemples.
Toutefois ces formes-là, si flagrantes, ne sont aucunement l’expression la plus commune des comportements autodestructifs. Toutes les formes subtiles et compulsives d’autosabordage, dont l’individu n’a aucune conscience et qui portent efficacement atteinte à son bien-être, s’avèrent bien plus fréquentes.
Se rabaisser automatiquement, chercher l’humiliation à son insu, tout appréhender par un biais négatif, subir de mystérieux échecs répétitifs, s’accrocher insidieusement (et fermement) à des situations délétères ou se retrouver continuellement dans la position de victime sont parmi les nombreuses manières mises en œuvre pour se faire du tort.
Notons également que, d’un point de vue plus large, certaines idéologies apposent un sentiment valorisant –souvent de supériorité morale– sur la souffrance. Elles attirent ainsi des individus qui cherchent une justification intellectuelle à leurs besoins autodestructifs inconscients.
En approfondissant toutes ces situations, nous décelons l’impossibilité transparente de se permettre d’être simplement heureux, mais aussi, et de façon nettement moins évidente, le plaisir clandestin pris dans la souffrance –clandestin puisqu’il est inacceptable du point de vue de la conscience.
Comment est-ce possible ?
Compréhension et traitement psychologique des inhibitions
L’inhibition s’exprime de très nombreuses manières. Elle est probablement l’un des symptômes cliniques les plus communs vus par les psychologues, ainsi que l’une des limitations les plus fréquentes avec laquelle des individus, qui se pensent relativement affranchis de difficultés, vivent à leur insu.
Elle consiste en une impossibilité d’exprimer librement un désir ou une capacité ; l’individu s’en trouve diminué et ne peut pas s’épanouir. Cela comporte généralement une limitation importante du plaisir qui peut être pris à vivre.
L’inhibition se manifeste souvent dans la sexualité, l’annulant parfois entièrement, ainsi que dans la peur d’affronter les conflits, laissant la personne sans défense. Il n’est pas rare que l’intellect, l’attention et la mémoire se trouvent entravés par l’inhibition, faisant ainsi obstacle au développement scolaire et professionnel.
Elle est parfois liée à la nourriture, réduisant drastiquement la possibilité de s’alimenter ; elle peut apparaître aux moments de prendre la parole en public, rendant le sujet silencieux ou confus ; et elle est bien connue chez les sportifs, qui se trouvent soudainement incapables de concourir… La liste est potentiellement interminable.
D’où vient-elle, alors ?
La douleur et la pensée en psychosomatique
La plupart des psychosomaticiens à Madrid se sont formés à l’école française de psychosomatique, fondée par Pierre Marty, Michel Fain et Christian David.
À partir d’une large expérience clinique au sien d’hôpitaux parisiens et de leurs cabinets privés, ces trois pionniers ont découvert les mécanismes à l’œuvre dans les somatisations, où l’on trouve une lésion organique, qui les différencient des phénomènes de conversion classiques, où l’on ne la trouve pas.
Désormais les concepts de mentalisation, désorganisation somatique, procédés auto-calmants et pensée opératoire sont entrés dans le langage courant de la psychanalyse. La valeur protectrice de la capacité d’élaboration mentale a été cernée ainsi que les niveaux progressivement plus courts, et dangereux pour la santé du patient, de décharge des tensions internes : notamment le comportement évacuatif et la somatisation.
Lors d’un défaut de représentation mental il est commun que le comportement prenne le dessus, et si cette voie s’avère insuffisante il n’est pas rare que les somatisations apparaissent.
Anne Maupas, psychanalyste membre de la SPP et psychsomaticienne membre d’IPSO-Pierre Marty, a écrit un article où elle aborde ces questions, notamment la dialectique entre la douleur et la représentation.
Aller à l’article.
Quelle est la différence entre le deuil, la dépression, la mélancolie et la manie ?
Si le deuil, la dépression et la mélancolie sont souvent confondus ; la manie est, quant à elle, plutôt méconnue. Parallèlement, les troubles bipolaires sont devenus curieusement omniprésents dans le langage commun, alors que leur prévalence n’a pas augmenté.
Tous ont un rapport à la perte et, hormis le deuil –un processus naturel qui n’a rien de pathologique– ils appartiennent aux troubles de l’humeur, ceux qui atteignent la tonalité affective de l’individu, soit en la diminuant, soit en la multipliant.
Étant donné que plusieurs personnes à Madrid ont posé cette question, faisons le point brièvement.
Le deuil :
Le deuil se caractérise par un état de tristesse et d’apathie, souvent accompagné d’insomnie et d’anxiété, suite à une perte émotionnelle consciente : celle d’une personne chère, d’un lieu, d’une activité ou de certains idéaux.
La personne en deuil sait parfaitement ce qu’elle a perdu ; la reconnaissance de cette perte l’amène à un lent renoncement à toutes les satisfactions, désirs et espoirs qui y étaient liés, d’où le sentiment d’appauvrissement du monde extérieur et de tristesse. Une source importante de vitalité, de motivation et d’intérêt est partie.
Les deuils ne sont pas linéaires : ils peuvent être très intenses, ensuite disparaître, revenir à un moment inattendu, ou bien être absents là où on les attendait. Bien que les deuils s’estompent graduellement avec le temps, il n’est pas rare de les voir se prolonger sur plusieurs années dans les cas où la perte a été très importante.
Une personne en deuil n’a pas besoin de traitement psychothérapique ni médicamenteux, il lui faut du temps pour le réaménagement intérieur de ses investissements émotionnels, et un entourage compréhensif. En revanche, si l’apathie et le manque de motivation ne se résorbent pas avec le temps, nous parlons alors d’un deuil pathologique, qui est une forme de dépression.
Qui peut devenir psychanalyste ?
En Espagne, comme dans la plupart du monde occidental, la législation actuelle exige, pour se former en psychanalyse, d’avoir auparavant suivi des études de psychiatrie, ou de psychologie clinique.
Ces études garantissent une connaissance de base suffisante de la psychopathologie, le diagnostic différentiel, le fonctionnement du cerveau, la psychopharmacologie, les méthodes de recherche, les possibilités de traitement, et la psychologie sociale, tous essentielles pour l’exercice clinique.
Mais cela n’est pas suffisant. Pour approfondir ses études et devenir psychanalyste, certains traits de personnalité sont indispensables. S’ils ne sont pas nécessairement pleinement affirmés au début de la formation d’un analyste, ils doivent impérativement être présents sous forme d’esquisse à développer.
Ceux qui souhaiteraient se former en psychanalyse à Madrid, à l’Associación Psicoanalítica de Madrid, passeront par des entretiens où ces qualités seront évaluées, ainsi que la profondeur de la connaissance de soi acquise au long de l’analyse personnelle.
Alors, quels sont ces traits ?
L’honnêteté émotionnelle et intellectuelle :
L’honnêteté du psychanalyste se décline sur deux versants, l’honnêteté émotionnelle dans le traitement du patient, et l’honnêteté intellectuelle vis-à-vis des théories psychanalytiques.
Toute psychanalyse et psychothérapie psychanalytique repose sur la recherche de la vérité intérieure du patient, quelle qu’elle soit. Cela comporte une exigence d’honnêteté de la part du patient, mais aussi du psychanalyste : d’un côté il doit pouvoir reconnaître qu’il n’est pas infaillible peut commettre des erreurs, et, d’un autre côté, il doit être prêt à faire face à tout ce qui pourra advenir pendant un traitement, même si cela lui est inconfortable –– l’analyse n’est pas un austère exercice intellectuel et il est probable que de fortes émotions apparaissent tôt ou tard.
Qui bénéficie le plus de la psychanalyse et de la psychothérapie psychanalytique ?
Il existe actuellement de nombreuses écoles de psychothérapie –telles que la psychanalyse, la thérapie cognitivo-comportementale, la thérapie systémique, les thérapies humanistes, etc.– basées sur des fondements théoriques divergents, et proposant des traitements différents.
Bien que chacune de ces écoles ait prétendu historiquement, ou prétend toujours, dans certains cas, qu’elle est valable pour tous ceux qui recherchent de l’aide psychologique, il nous faut reconnaître que cela n’est pas un fait avéré.
Outre les attentes concrètes du futur patient, sa personnalité l’amène probablement à être plus réceptif à un type d’aide qu’à un autre. Les différences les plus marquantes entre les personnes se manifestent sur l’axe de la tolérance à la frustration, sur la localisation des problèmes et sur le degré d’autonomie de chacun.
En ce qui concerne la psychanalyse et la psychothérapie psychanalytique, il existe certaines dispositions de personnalité –qui ne s’expriment pas nécessairement dans toutes les situations, mais qui demeurent centrales– sans lesquelles il est difficile qu’une personne puisse en tirer un grand profit.
Quelles sont-elles ?
Partons de la base selon laquelle la psychanalyse et la psychothérapie psychanalytique reposent sur des prémisses fondamentales, notamment :
L'affectivité et le soma: conférence d'un expert en psychsomatique
Christian Delourmel est médecin généraliste devenu psychanalyste. Grand spécialiste de la psychosomatique, il est bien connu par les psychosomaticiens à Madrid.
En décembre 2014 il donna une conférence, illustrative et tout à fait compréhensible pour les non-spécialistes, à la Société Psychanalytique de Paris au sujet de l’interface entre la médecine et la psychosomatique. La conférence fut ensuite téléchargée sur le site de la SPP ; le lien est disponible ci-dessous.
Il commence sa conférence avec trois cas survenus lors de sa pratique de médecin généraliste qui, à l’époque, l’avaient conduit à se poser des questions sur le développement des maladies auxquelles il était confronté. Ces cas sont assez communs dans la pratique quotidienne d’un médecin, mais ils présentaient des problèmes qui n’étaient pas entièrement explicables par le biais des modèles strictement médicaux-organiques.
Delourmel remarque que tout médecin, au bout d’un certain temps d’exercice de sa profession, finit par percevoir qu’il y a des liens indéniables entre la vie relationnelle et psycho-affective des patients et leurs maladies somatiques. Toutefois, la nature intime de ces liens n’est pas évidente, et pour la comprendre il faut savoir intégrer les connaissances de la médecine occidentale et la psychosomatique, en passant par la psychanalyse.
Il développe deux études qu’il a faites en tant que médecin ––une sur le spasme coronarien, l’autre sur l’effet placebo-nocebo–– et qu’il reprend à la lumière de la psychanalyse. Soutenu par de nombreuses recherches faites en médecine depuis les années 70, il nous démontre comment les affects intenses, les traumatismes, ainsi que les attentes de guérison miraculeuse projetées sur le médecin-médicament (ou sur la religion), jouent un rôle essentiel dans le développement négatif ou positif des maladies.
Lire l’intégralité de la conférence.
Introduction à la psychanalyse
Ce film brosse un tableau des grandes découvertes de la psychanalyse, fondée par Sigmund Freud ; il traite de la structure, du fonctionnement de la psyché, ainsi que de la nature de la maladie mentale et des troubles psychologiques en général. Ici en espagnol, il est également disponible en anglais et en allemand.
Il est présenté par Otto Kernberg, un des analystes contemporains les mieux connus internationalement, qui s’est souvent rendu à Madrid pour enseigner la psychanalyse et la psychothérapie des troubles de la personnalité. Il est professeur de psychiatrie à Cornell University Medical School, Analyste Formateur à Columbia University Centre for Psychoanalytic Training and Research. Il est aussi le directeur de l’Institute for the Study of Personality Disorders à Cornell University.
Le film est divisé en les cinq parties, que nous résumerons brièvement ci-dessous.
Trois cas cliniques pour comprendre les concepts de base de la psychanalyse :
- Dépressif –– une jeune femme qui a des problèmes dans ses rapports avec les hommes ; profondément inquiète qu’on la critique, elle souffre d’un manque de confiance en elle-même chronique.
- Obsessionnel-compulsif –– un jeune homme, excessivement amical, perfectionniste, tendu avec les personnes dans une position d’autorité, il se soumet à eux jusqu’à ce qu’il explose quand il se sent dominé.
- Constellation oedipiènne –– un jeune homme qui aime beaucoup son amie, mais n’arrive pas à fonctionner sexuellement avec elle, il souffre d’inhibitions sexuelles sévères qu’il n’a pas quand il a des relations sans amour.
La nature dynamique de l’appareil psychique :
- Dans le premier cas, le mécanisme de défense principal est la projection –– attribuer aux autres ses propres sentiments.
- Dans le deuxième cas, le mécanisme de défense principal est la formation réactionnelle –– développer un comportement opposé à ce qu’il ressent.
- Dans le troisième cas, le mécanisme de défense principal est le refoulement des sentiments sexuels envers la personne qu’il aime et aussi le clivage –– séparer les sentiments sexuels de l’amour.
Questions sur la psychanalyse : complexe d’Œdipe et masochisme
Une lectrice de la Revista de la Asociación Psicoanalítica de Madrid a posé une série de questions pertinentes au sujet de l’article « Les strates de l’être ». Comme elles pourraient être utiles pour les personnes qui s’intéressent à la psychanalyse, voici les questions et les réponses.
Questions :
Je souhaiterais en savoir plus sur l’Œdipe et le masochisme, des sujets que vous traitez dans votre article. Ci-dessous, je transcrirai les paragraphes où vous vous référez à ces sujets, et ensuite je formulerai mes questions concrètes.
Page 86 :« …(S. Freud) ouvre la voie grâce à sa conception d’un inconscient pulsionnel tel un monde inconnu peuplé des forces de la sexualité, de l’agressivité, du narcissisme et de ses idéaux, des deuils et du grand organisateur relationnel, l’Oedipe. Il est régi par des principes qui échappent à la logique, et qui seront sévèrement frustrés par la réalité ».
- À quoi faites-vous référence avec « le grand organisateur relationnel, l’Œdipe » ? Pourriez-vous développer davantage ?
- J’ai aussi une autre question… quand vous dîtes « et qui seront sévèrement frustrés par la réalité »… premièrement, je suis frappée par le mot sévèrement… et deuxièmement, cette frustration se réfère-t-elle à un stade du développement humain, ou à la vie en général ?
Page 92 : « Je crois qu’en partie, ceci est possible à mesure que le patient intègre une expérience de confiance dans laquelle la souffrance psychique n’est plus seulement un désagrément gratuit, ni non plus la jouissance érotique des masochistes, pour s’imposer comme un facteur qui, au moyen de la tolérance et l’élaboration, permet d’être qui l’on est ».
Je souhaiterais en savoir plus sur la jouissance érotique des masochistes. Dans la page 90 vous expliquez l’hypothèse de Freud sur le masochisme primaire…
- Qu’est-ce que le bon objet ?
- Comment identifie-t-on un masochiste ? Est-ce quelqu’un qui érotise la douleur parce que son appareil psychique n’a pas une grande tolérance à la souffrance ?
- S’il en est ainsi, pourriez-vous me donner un exemple concret?
Réponses :