Quelle est la différence entre le deuil, la dépression, la mélancolie et la manie ? · Blog Psychanalyste à Madrid

Quelle est la différence entre le deuil, la dépression, la mélancolie et la manie ?

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(0) 27/09/2016 15:04h
Quelle est la différence entre le deuil

Si le deuil, la dépression et la mélancolie sont souvent confondus ; la manie est, quant à elle, plutôt méconnue. Parallèlement, les troubles bipolaires sont devenus curieusement omniprésents dans le langage commun, alors que leur prévalence n’a pas augmenté.
 
Tous ont un rapport à la perte et, hormis le deuil –un processus naturel qui n’a rien de pathologique– ils appartiennent aux troubles de l’humeur, ceux qui atteignent la tonalité affective de l’individu, soit en la diminuant, soit en la multipliant.
 
Étant donné que plusieurs personnes à Madrid ont posé cette question, faisons le point brièvement.
 
Le deuil :
 
Le deuil se caractérise par un état de tristesse et d’apathie, souvent accompagné d’insomnie et d’anxiété, suite à une perte émotionnelle consciente : celle d’une personne chère, d’un lieu, d’une activité ou de certains idéaux.
 
La personne en deuil sait parfaitement ce qu’elle a perdu ; la reconnaissance de cette perte l’amène à un lent renoncement à toutes les satisfactions, désirs et espoirs qui y étaient liés, d’où le sentiment d’appauvrissement du monde extérieur et de tristesse. Une source importante de vitalité, de motivation et d’intérêt est partie.
 
Les deuils ne sont pas linéaires : ils peuvent être très intenses, ensuite disparaître, revenir à un moment inattendu, ou bien être absents là où on les attendait. Bien que les deuils s’estompent graduellement avec le temps, il n’est pas rare de les voir se prolonger sur plusieurs années dans les cas où la perte a été très importante.
 
Une personne en deuil n’a pas besoin de traitement psychothérapique ni médicamenteux, il lui faut du temps pour le réaménagement intérieur de ses investissements émotionnels, et un entourage compréhensif. En revanche, si l’apathie et le manque de motivation ne se résorbent pas avec le temps, nous parlons alors d’un deuil pathologique, qui est une forme de dépression.

La dépression :
 
La dépression se manifeste par les mêmes signes qu’un deuil –dans ce cas nous les appelons symptômes dépressifs– sauf que la personne dépressive, malgré son sentiment de perte de vitalité et de motivation, n’a pas conscience de ce qu’elle a perdu.

La personne déprimée ne comprend pas pourquoi elle ressent ce qu’elle ressent ; il lui arrive quelque chose –apparemment sans cause, ou dont la cause semble insuffisante pour justifier l’état de détresse dans lequel elle se trouve– qui envahit son psychisme, et face à laquelle elle se trouve démunie. Elle sent qu’elle n’a pas de « raisons » d’être déprimée.

Les dépressions sont aussi peu linéaires que les deuils : elles peuvent surgir et s’éclipser sans raison apparente. Mais à la différence des deuils, elles ne s’estompent pas naturellement avec le temps. L’individu déprimé, n’ayant pas conscience de ce qui produit la dépression, ne peut pas entreprendre le long travail d’élaboration qui résout les deuils ; en conséquence les dépressions tendent à s’installer si elles ne sont pas soignées.

Les raisons inconscientes qui peuvent amener un individu à être déprimé sont si nombreuses que nous ne pouvons pas vraiment parler d’une étiologie commune à toutes les dépressions. Citons, néanmoins, quelques-unes des plus fréquentes : sentiment d’impuissance interne, estime de soi blessée, sens moral autopunitif, manque d’apports relationnels et comportements autodestructifs sont souvent sous-jacents aux dépressions. Chacune de ces situations s’étaye sur de complexes scénarii inconscients qui les figent dans des boucles qui se rétroalimentent.

L’expérience démontre qu’il est rare qu’une dépression guérisse sans traitement ; les individus déprimés peuvent développer toutes sortes de stratégies pour échapper de leur vécu dépressif –comportements addictifs, fuites en avant, changements de vie compulsifs, entre autres– mais tôt ou tard les symptômes réapparaissent. 

Pour résoudre durablement les troubles dépressifs, il est nécessaire d’entreprendre un travail psychanalytique ou psychothérapeutique (selon l’indication thérapeutique) qui permet de déterrer les conflits inconscients et de les élaborer, libérant ainsi l’individu du fardeau qu’il porte à son insu. 

Dans le cas où les symptômes dépressifs sont si incapacitants qu’ils ne permettent pas à la personne de maintenir une qualité de vie minimum (impossibilité grave et chronique de sortir de chez soi, de travailler, de s’occuper des personnes à sa charge) un traitement médicamenteux sera indiqué jusqu’à ce que la personne se stabilise suffisamment, puis progressivement diminué. Il est important de noter que les médicaments ne soulagent que les symptômes, ils n’offrent pas de solution à long terme.

La mélancolie :
 
La mélancolie est un type sévère de dépression, qui partage avec elle les éléments décrits ci-dessus, mais se différencie par la présence d’auto-reproches virulents non justifiés,absents des dépressions non mélancoliques. 

L’individu qui souffre de mélancolie se martyrise avec des pensées critiques, dévalorisantes et injurieuses envers lui-même, qui n’ont pas lieu d’être et qui ont un effet dévastateur sur son estime de soi.

Ce dernier point est important car, aux sentiments dépressifs présents dans toute forme de dépression, s’ajoute le facteur aggravant de l’anéantissement de l’amour propre qui ne fait qu’intensifier le vécu dépressif. Ainsi, le risque de suicide est plus important dans la mélancolie et doit être judicieusement évalué.

À la différence des dépressions non mélancoliques, dont l’origine peut être très variée, nous avons plus d’éléments pour cerner l’étiologie de la mélancolie. Il n’est pas rare, au cours du traitement d’un patient mélancolique, d’avoir l’impression que les reproches violents qu’il s’adresse pourraient, en fait, s’appliquer à ce qu’il a ressenti envers une autre personne importante dans sa vie –une personne autant aimée que haïe. Cela suggère, au niveau inconscient, une fusion-confusion entre le patient et cette personne avec qui il a maintenu une relation si ambivalente –la haine dirigée contre lui-même est en réalité destinée à un(e) autre confondu(e) avec lui-même.

En ce qui concerne la prise en charge de la mélancolie, elle est semblable à celle des dépressions. Le travail psychothérapeutique visera à aider le patient à prendre conscience du lien intensément ambivalent qui le relie à la personne aimée-haïe, et l’aidera –via la compréhension émotionnelle profonde– à se détacher intérieurement d’elle. Cela implique une longue élaboration de la séparation-différentiation ainsi que de l’agression inconsciente. Si besoin est, un traitement médicamenteux pourra être mis en place pendant une durée limitée.

La manie :
 
La manie est à l’opposé de la dépression. Elle se caractérise par un état d’esprit euphorique, grandiose, exalté, un excès d’assurance et une activité sans repos souvent accompagnée de logorrhée. L’insomnie et l’irritabilité sont également souvent présentes.

Dans ses manifestations les plus graves, psychotiques, elle entraîne une perte du sens de la réalité et donne lieu à un délire de grandeur qui peut amener le patient à entreprendre des projets impossibles, voire à dépenser d’énormes sommes d’argent. Il existe aussi des formes moins sévères de manie, appelées états hypomaniaques, où le sens de la réalité est préservé. 

La manie au sens psychopathologique du terme n’a aucun lien avec ce qui est communément appelé « avoir une manie » ou être une personne « maniaque », ces deux cas relevant plutôt du caractère obsessionnel.

La manie ne se présente jamais seule, elle est toujours accompagnée, tôt ou tard, par un épisode dépressif ou mélancolique. Même certains états hypomaniaques qui semblent n’avoir aucune fin ont des revers dépressifs, pas nécessairement visibles de l’extérieur. Mais s’il existe des dépressions sans manie, pourquoi alors n’existe-t-il pas des manies sans dépression ? 

Parce que la manie est une défense contre la dépression, défense qui coûte très cher à l’organisme au niveau énergétique et qui n’est pas tenable longtemps. C’est une manière de se protéger des sentiments dépressifs en les transformant en leur contraire –stratégie défensive fort commune, par ailleurs– mais cette défense n’est efficace qu’un certain temps avant que l’organisme s’épuise et que la réalité s’impose. S’ensuit le mouvement pendulaire vers la dépression, aggravée par le contraste avec l’état précédent et l’éreintement qu’il a engendré. Ceci est l'origine des états maniaco-dépressifs, actuellement appelés troubles bipolaires.

Les personnes souffrant d’épisodes maniaques ne consultent pas pendant l’épisode, leur perception grandiose d’eux-mêmes fait qu’ils n’en ressentent aucun besoin. C’est quand la manie bascule dans la dépression qu’ils prennent conscience du besoin d’aide. Dans les cas moins graves, hypomaniaques, une psychothérapie approfondie pourra être suffisante. 

En cas de perte psychotique de la réalité, il est fortement recommandé d’accompagner le traitement psychothérapeutique par un médicament régulateur de l’humeur jusqu’à ce que le patient puisse contrôler ses propres états émotionnels.

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